Si vous avez déjà comparé le doux ronronnement de votre chat au moteur d’une petite voiture, préparez-vous à réviser vos standards : au sud de Cambridge, une chatte écaille nommée Bella vient d’enregistrer un vrombissement continu à 54,59 dB – plus fort qu’une bouilloire électrique en plein ébullition ou que la cabine d’un lave-linge en programme délicat. Le Guinness World Records 2025 a officialisé la performance le mois dernier, détrônant le précédent détenteur, Merlin (purement coïncidence féline), qui plafonnait depuis 2015 à 67,8 dB mesurés… mais à dix centimètres du micro. La norme actuelle impose le capteur à cinquante centimètres, ce qui place Bella au sommet d’un podium réétalonné et scientifiquement plus strict.
Un décibel, deux histoires : volume et vibration
Le décibel (dB) est logarithmique : chaque cran de 10 dB multiplie l’intensité sonore par dix. À 50 dB, on situe typiquement une conversation chuchotée ; à 60 dB, un aspirateur de nouvelle génération. Bella, quand elle s’installe sur les genoux de sa gardienne, déclenche un grondement qu’un ingénieur du son décrirait comme « spectralement enrichi » : riche en harmoniques basses, mais avec un pic dominant à 125 Hz, la fréquence “signature” du ronron.
Pourquoi un tel volume ? Le professeur Callum Hayes, éthologue à l’université de Bristol, avance l’hypothèse d’un effet de résonance thoracique : « Bella possède une cage thoracique légèrement plus large que la moyenne et un tissu conjonctif très souple. Ses cordes vocales, agrafées à un larynx puissant, peuvent vibrer plus profondément sans fatiguer. » En d’autres termes, la chatte a l’équivalent d’un caisson de basse haute fidélité dans le poitrail. Sympa pour les voisins si ce chat vit en appartement…
Entre moteur intérieur et thérapie vibratoire
Le ronron est déclenché par une commande neurologique appelée oscillateur central, située quelque part entre le tronc cérébral et la moelle. Ce pacemaker neuronal envoie une impulsion 20 à 30 fois par seconde ; les muscles laryngés tressaillent et la glotte s’ouvre puis se ferme, laissant passer une colonne d’air hachée menu. Chez Bella, la fréquence est classique (26 Hz), mais l’amplitude est telle que l’onde se propage au-delà du diaphragme, jusque dans la peau pectorale ; c’est cet effet caisse de résonance qui gonfle le niveau décibel.
Rappelons que la bande 20-140 Hz correspond aussi aux fréquences utilisées par la kiné-vibration pour accélérer la consolidation osseuse. Plusieurs études vétérinaires suggèrent que le chat profite de son propre concert interne pour solidifier ses os et soulager ses tendons après les sauts. L’hypothèse est séduisante : plus le ronron est “musclé”, plus l’automassage tissulaire serait efficace. Bella serait donc une athlète de la relaxation.
Comment mesure-t-on un record de ronron ?
Tout s’est déroulé dans un studio radio isolé. Bella a été placée sur les genoux de sa gardienne, dans son panier préféré pour minimiser le stress. Un sonomètre calibré classe 1 (modèle Brüel & Kjær) a capté le bruit à 50 cm, à hauteur de tête. L’enregistrement a duré deux minutes ; pour valider le record, Bella devait produire au moins cinq pics supérieurs à la moyenne constatée durant trente secondes consécutives. Résultat : 54,59 dB stables, avec des pointes à 56,1 dB lorsque la main de la gardienne caressait la base du crâne – zone “bouton turbo” bien connue des propriétaires qui s’intéressent de près à la psychologie de leur félin..
« Bella ronronne avec la conviction d’un moteur diesel, et pourtant elle ne dépasse jamais 3,5 kg »
Le record, un simple coup de pattes ?
Chez l’humain, la voix la plus puissante jamais mesurée (115 dB) ne dépend pas que des cordes vocales : posture, technique respiratoire et volume pulmonaire comptent autant. Chez le chat, trois variables semblent déterminantes : intégrité laryngée, architecture thoracique et état émotionnel. Bella cumule la génétique (parents au ronron déjà tonique), une santé parfaite et un environnement hyper-sécurisant. « Un chat stressé reste muet ou miaule ; le ronron est réservé au confort ou à la demande d’attention », rappelle le professeur Hayes. Dans les foyers bruyants, la compétition acoustique pousse parfois le félin à “parler” plus fort ; on parle de “loop d’apprentissage” où l’animal obtient davantage de caresses en élevant la voix.
Effet sur l’humain : placebo ou véritable soin ?
Le purr therapy n’est plus un gadget marketing. Une étude publiée en 2024 dans Applied Animal Behaviour a montré que dix minutes d’écoute d’un ronron à 30-50 Hz abaissaient la pression artérielle systolique de 4 mmHg en moyenne. Pour la chercheuse Sarah Milledge, « la régularité et la basse fréquence agissent comme un métronome cardiaque ». Avec 54 dB, Bella s’apparente à un petit appareil d’ASMR naturel : suffisamment fort pour masquer les bruits du quotidien, pas assez pour saturer l’oreille. Les maisons de retraite britanniques envisagent déjà de réaliser des “visites sonores” en VR : casque audio, enregistrement binaural du ronron, et voilà une séance de cohérence cardiaque maison.
En pratique : comment booster – raisonnablement – le ronron de votre propre chat ?
• Créez un environnement secure (territoire vertical, cachettes). Offrez des sessions de caresses régulières, ciblant le menton et l’arrière des oreilles ; la constance du contexte rassure l’animal et libère la sérotonine, moteur chimique du ronron.
Évidemment, chaque chat possède son plafonnier naturel. Inutile de chercher à battre Bella : l’objectif est le bien-être, pas les records.
Bella, ambassadrice du bien-être félin
Au-delà du trophée Guinness scintille un message plus large : la santé du chat se lit aussi dans les décibels. Un ronron solide, profond et régulier traduit un équilibre émotionnel et physiologique. Bella nous rappelle qu’un simple contact peau-poils peut devenir une onde de choc positive, capable de parcourir deux organismes à la fois. Alors, la prochaine fois que votre minet se love sur vous, tendez l’oreille : derrière ce petit moteur, il se cache peut-être un champion – ou mieux encore, un thérapeute personnel à quatre pattes. lire : 10 races de chats les plus câlines