Disparus depuis trois siècles, ces oiseaux renaissent de leurs cendres grâce à la science. Mais pour survivre, ils doivent réapprendre à migrer… en suivant un avion ultraléger !
Résumé
- Des ibis chauves, éteints depuis 300 ans en Europe centrale, ont été réintroduits avec succès
- Les scientifiques utilisent un avion ultraléger pour leur enseigner les routes migratoires oubliées
- 36 jeunes ibis participent actuellement à un voyage de 2 800 km de l’Autriche à l’Espagne
- Cette méthode innovante, inspirée d’un film, pourrait sauver l’espèce de l’extinction définitive
Dans le ciel d’Europe centrale, un spectacle insolite se déroule cet automne. Un petit avion ultraléger fend les airs, suivi par une formation de grands oiseaux noirs au long bec recourbé. Ce tableau surréaliste n’est pas le fruit de l’imagination d’un cinéaste, mais bien une réalité scientifique qui pourrait sauver une espèce de l’extinction.
Ces oiseaux sont des ibis chauves du Nord, une espèce que l’on croyait perdue à jamais dans cette région du monde. Disparus depuis 300 ans à l’état sauvage en Europe centrale, ils font aujourd’hui l’objet d’une expérience de réintroduction aussi audacieuse qu’émouvante. Car pour survivre, ces rescapés de l’extinction doivent réapprendre un savoir ancestral : l’art de la migration.
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L’ibis chauve : une renaissance contre toute attente
L’histoire de l’ibis chauve en Europe est celle d’un déclin brutal suivi d’une résurrection quasi miraculeuse. Autrefois commun en Afrique du Nord, dans la péninsule arabique et dans une grande partie de l’Europe, cet oiseau au plumage sombre et à la tête chauve caractéristique a vu son habitat se réduire comme peau de chagrin au fil des siècles.
« La chasse intensive et la destruction de son habitat ont eu raison de cette espèce emblématique », explique le biologiste Johannes Fritz, à l’origine du projet de réintroduction. « Pendant plus de 300 ans, seules de petites populations ont survécu, confinées dans des zoos. »
Mais la nature, aidée par la science, réserve parfois des surprises. Au début des années 2000, des scientifiques ont entrepris de réintroduire l’ibis chauve dans son habitat naturel. Un défi de taille les attendait : non seulement fallait-il élever ces oiseaux en captivité, mais il fallait aussi leur apprendre à survivre dans un environnement qu’ils n’avaient jamais connu.
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Le défi de la migration : quand l’instinct ne suffit plus
Les premières tentatives de réintroduction se sont heurtées à un obstacle inattendu : les ibis avaient oublié comment migrer. « Au lieu de retourner dans des zones d’hivernage adaptées comme la Toscane, en Italie, les oiseaux volaient dans des directions différentes et mouraient », raconte Johannes Fritz.
Cette perte du savoir migratoire n’est pas surprenante. Après des générations passées en captivité, l’instinct ancestral qui guidait ces oiseaux vers des cieux plus cléments s’est estompé. Pour assurer la survie de l’espèce, il fallait donc non seulement réintroduire les ibis dans la nature, mais aussi leur réapprendre à migrer.
C’est là qu’intervient une idée aussi folle qu’ingénieuse, directement inspirée du septième art.
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Quand la science s’inspire du cinéma : l’ULM comme guide migratoire
En 1996, le film « L’envolée sauvage » racontait l’histoire d’une jeune fille apprenant à des oies à voler et à migrer grâce à son ULM. Cette fiction a donné une idée au biologiste Johannes Fritz : et si on utilisait la même technique pour les ibis chauves ?
« Nous avons décidé de confier de très jeunes poussins à un ‘parent adoptif’ humain », explique le scientifique. « L’objectif était d’établir une relation de confiance suffisamment forte pour que les oiseaux acceptent de suivre leur parent humain tout au long de la route migratoire. »
Cette méthode, aussi audacieuse soit-elle, semble porter ses fruits. Cette année, ce sont 36 jeunes ibis chauves qui se sont lancés dans l’aventure, suivant un petit avion ultraléger piloté par Johannes Fritz lui-même.
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2 800 kilomètres de vol : l’odyssée des ibis modernes
Le 13 août dernier, une scène surréaliste s’est déroulée dans le ciel autrichien. Un petit avion ultraléger a décollé, suivi par une formation de grands oiseaux noirs. Destination : l’Andalousie, en Espagne, à plus de 2 800 kilomètres de là.
« Pendant le vol, les parents adoptifs humains sont assis à l’arrière de l’ULM », détaille Johannes Fritz. « Ils saluent et encouragent les oiseaux pendant qu’ils volent. C’est un spectacle à la fois émouvant et fascinant. »
L’avion, équipé d’un petit moteur en forme de ventilateur à l’arrière et d’un parachute jaune qui le maintient en l’air, vole à une vitesse adaptée aux ibis. Le voyage, qui devrait s’achever début octobre, est une véritable odyssée moderne, mêlant haute technologie et instinct animal.
