En Suisse, les loups raffolent du sauvage : ce que révèle leur véritable régime alimentaire

En Suisse, les loups raffolent du sauvage : ce que révèle leur véritable régime alimentaire

Une étude d’envergure menée dans l’Arc alpin et le Jura lève le voile sur ce que mangent réellement les loups en Suisse. Loin des clichés sur le « grand méchant loup » qui s’attaquerait en priorité au bétail, les résultats montrent que le cerf, le chevreuil et le chamois dominent très largement leur menu. L’alimentation varie pourtant au gré des régions, des saisons et selon que le loup soit un solitaire ou membre d’une meute. Plongée dans la vraie vie culinaire du grand carnivore helvétique !

Faune sauvage : le plat de résistance des loups suisses

Contrairement à certaines idées reçues, le loup helvétique ne fait pas du mouton et du bétail sa principale ressource alimentaire. Au contraire, il se tourne en premier lieu vers la faune sauvage disponible en abondance dans les forêts et les montagnes.

Voici la composition moyenne du régime alimentaire des loups en Suisse, telle qu’établie par l’analyse ADN de plusieurs centaines d’échantillons :

Catégorie de proies Proportion dans l’alimentation (%) Description des principales espèces
Faune sauvage 88,3 Cerf élaphe, chevreuil, chamois
Animaux de rente 11,7 Mouton (majoritaire), chèvre, bovin
  • Le cerf apparaît comme la proie de choix parmi les ongulés sauvages, suivi par le chevreuil puis le chamois.
  • L’apport provenant des animaux domestiques est donc très minoritaire à l’échelle de la Suisse.
  • Même lors d’épisodes de prédation sur troupeaux, ces cas restent exceptionnels sur l’année entière.

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Des préférences qui fluctuent : effets des saisons, régions et modes de vie

Le menu du loup n’est pas immuable ! Il évolue avec la disponibilité des proies sauvages ou le contexte, conditionné par le climat, la géographie et le comportement des animaux. Plusieurs variations clés ont émergé de l’étude.

Saisonnalité : la disponibilité change, le menu aussi

  • Hiver : Le chevreuil constitue alors la cible privilégiée, car il devient peut-être plus accessible ou vulnérable.
  • Été et automne : Le chamois prend une place notoire dans le régime, surtout dans les Alpes orientales et le Valais où il est abondant et actif en altitude à cette période.
  • Présence accrue d’animaux de rente en été : Quand moutons, chèvres et bovins montent en alpages, la proportion de bétail dans l’alimentation s’accroît. Ce phénomène reste très localisé et reflète davantage des opportunités exceptionnelles.
  • En ce qui concerne le cerf, sa consommation ne subit pas d’écart saisonnier notoire.
Saison Proies dominantes Évolution du menu
Hiver Chevreuil
Cerf
Faible part d’animaux de rente
Été / Automne Chamois
Cerf
Augmentation ponctuelle de la part des animaux de rente sur les alpages

En été, soyez vigilants car les loups peuvent aussi s’inviter sur vos terrasses.

Influence du statut social des loups : solitaires vs meutes

  • Les loups solitaires – en déplacement ou installés sur de nouveaux territoires – chassent proportionnellement plus de chevreuils que les animaux en meute, probablement par nécessité ou par accès plus facile à ces proies.
  • Le comportement alimentaire pourrait diverger selon que le loup solitaire est en phase de dispersion ou déjà territorial, mais les données actuelles permettent principalement de souligner leur plus grande appétence pour le chevreuil.
Type de loup Prédilection alimentaire
Meute Cerf élaphe premier choix, plus grande variété de proies
Solitaire Préférence marquée pour le chevreuil

Portrait régional : la géographie dicte aussi le menu

  • Dans les Alpes valaisannes, le régime alimentaire du loup accorde une part importante au chamois et au chevreuil, ces deux espèces étant très présentes localement et plus faciles d’accès que le cerf.
  • Au Sud du Jura, la tendance est différente : les loups consomment proportionnellement plus de bovins par rapport à d’autres régions suisses, reflet d’une cohabitation plus étroite avec certains types de troupeaux ou d’une disponibilité momentanée accrue.
Région Spécificités alimentaires
Alpes valaisannes Chevreuil et chamois majoritaires
Sud du Jura Bovins plus présents qu’ailleurs dans le régime

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Derrière les chiffres : enquête sur le terrain et analyse ADN

Pour brosser ce portrait nuancé, les chercheurs se sont appuyés sur 698 échantillons de crottes, collectés entre 2017 et 2024 auprès de 250 loups différents. Grâce à une technologie avancée de séquençage ADN, le fameux métabarcoding, ils ont pu identifier simultanément différentes espèces consommées, pour obtenir une photographie fidèle du régime alimentaire.

  • Les échantillons proviennent de zones variées et les collectes ont largement mobilisé les gardes-faune cantonaux.
  • L’ADN extrait des déjections montre tout aussi bien ce que le loup a tué que les charognes ingérées après coup.
  • Le lieu où sont ramassées les crottes influe sur les résultats : une collecte à proximité de carcasses domestiques augmente mécaniquement la proportion d’animaux de rente détectée.

Au total, ces travaux offrent pour la première fois une base de données robuste et détaillée sur la table du loup helvétique.

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Vers une cohabitation apaisée entre loups, troupeaux et faune sauvage

La publication de ces données ne s’arrête pas à la curiosité scientifique. Elle éclaire sur la façon d’ajuster les dispositifs de gestion et de prévention, afin de limiter les conflits entre éleveurs, faune domestique et grands carnivores. Comprendre où et quand les loups s’intéressent (un peu plus) au bétail permet d’optimiser la protection des troupeaux, évitant les généralisations et les mesures disproportionnées.

  • Adapter les actions selon la région et la saison, par exemple en renforçant la surveillance au début de l’estivage dans certaines vallées alpines.
  • Mieux cibler la prévention dans les zones où meutes et solitaires sont présents.
  • Poursuivre la collecte d’informations, notamment sur les comportements alimentaires des loups solitaires en dispersion ou déjà installés.
  • Soutenir les éleveurs dans l’amélioration de la protection de leurs troupeaux là où les risques existent vraiment, sans stigmatiser l’ensemble des carnivores suisses.

Ce tableau précis du menu du loup, qui varie au fil des mois, des montagnes et du mode de vie, remet donc les pendules à l’heure : le loup suisse, authentique prédateur d’ongulés sauvages, ne fait qu’exceptionnellement du bétail son festin.

  • Les prochaines années permettront d’affiner encore ces observations, pour garantir la sérénité des pâturages tout en respectant la faune sauvage.

Une gestion éclairée et des données concrètes : des outils pour mieux vivre ensemble entre bergers, cerfs, moutons… et loups !

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salome