Incendies de forêt : les chevaux, alliés surprenants pour la protection des paysages méditerranéens

Incendies de forêt : les chevaux, alliés surprenants pour la protection des paysages méditerranéens

Chaque été, les incendies de forêt continuent de menacer les régions méditerranéennes, détruisant en quelques heures des paysages que la nature a mis des siècles à façonner. Alors que les techniques de lutte classiques montrent parfois leurs limites, les gestionnaires d’espaces naturels explorent de nouvelles stratégies pour réduire le risque en amont. Parmi ces approches, l’utilisation des chevaux comme outil de prévention attire l’attention des chercheurs et des collectivités. Loin d’être une simple idée nostalgique, cette solution s’appuie sur des observations scientifiques récentes et propose une réponse moderne à un problème écologique croissant.

Les nouveaux visages du risque incendie en Méditerranée

Les paysages méditerranéens subissent de profondes transformations liées au changement climatique. Sécheresses prolongées, étés plus chauds et recul du pastoralisme favorisent l’accumulation de biomasse sèche, principal carburant des incendies. La disparition des pâturages et l’abandon des campagnes aggravent encore la situation, comme le soulignent les études sur la hausse des abandons d’animaux et la désertification de certaines zones rurales.

  • Accumulation de matière inflammable : broussailles, herbes sèches et fourrés créent un tapis idéal pour la propagation rapide des flammes.
  • Perte de paysages ouverts : la fermeture des milieux réduit l’efficacité des coupe-feu naturels.
  • Déclin du pâturage extensif : moins de moutons et de chèvres signifie plus de végétation laissée à elle-même.
  • Changement climatique : des hivers plus doux et des étés plus longs étendent la période à risque d’incendie.

Ces évolutions renforcent la nécessité d’approches innovantes, combinant débroussaillage mécanique, interventions humaines et contribution des animaux herbivores pour limiter la charge en biomasse.

Chevaux : un rôle clé dans la prévention

Contrairement à leur image de simples animaux de selle, les chevaux sont d’excellents gestionnaires de la végétation. Leur régime alimentaire varié leur permet de consommer aussi bien herbes fines que pousses ligneuses, contribuant ainsi à la réduction du carburant végétal. Dans un contexte où les solutions doivent être adaptées à la topographie et à l’accessibilité, leur utilisation peut compléter l’action des machines et des autres herbivores.

  • Appétit diversifié : les chevaux consomment herbes, arbustes épineux et végétaux secs.
  • Effet combiné : en broutant et en piétinant, ils entretiennent les sous-bois et rouvrent les paysages, comme le font les chevaux de trait utilisés en agriculture écologique.
  • Plasticité alimentaire : leur régime évolue selon les saisons, ciblant les herbes au printemps et les ligneux en été.
  • Création de coupe-feu naturels : leur passage forme des clairières qui ralentissent la propagation du feu et favorisent la biodiversité.

Cette capacité à s’adapter en fait un outil de prévention précieux, en particulier dans les zones difficiles d’accès où le matériel mécanique ne peut intervenir.

Études de terrain et résultats obtenus

Des expérimentations menées dans le sud de la France et en Espagne ont permis de comparer plusieurs modes de pâturage : semi-liberté prolongée, pâturage continu et pâturage dirigé intensif. Les résultats montrent que l’utilisation des chevaux peut réduire significativement la biomasse disponible pour l’incendie.

Type d’élevage Race / type de cheval Impact sur la végétation Résultat en prévention incendie
Semi-liberté longue durée Chevaux de type Przewalski Mantien des prairies et contrôle de l’enherbement Paysages ouverts toute l’année, réduction durable de la biomasse
Pâturage continu Races rustiques (ex. Pottoka) Nettoyage progressif des sous-bois Réduction régulière du risque, maintien des mosaïques paysagères
Pâturage dirigé intensif Chevaux croisés Réduction massive et rapide de la biomasse Outil efficace en période de risque extrême

Les chercheurs notent que le pâturage dirigé peut être mobilisé ponctuellement avant les épisodes de canicule, de la même façon que les dispositifs de surveillance recommandés pour protéger les animaux domestiques lors de fortes chaleurs.

Un bénéfice écologique et social

L’intégration des chevaux dans la prévention des incendies ne profite pas seulement à l’écosystème. Elle offre aussi des retombées socio-économiques notables. Ce modèle redonne une place centrale au cheval dans la vie rurale, favorise l’emploi agricole et sensibilise le public à la gestion durable des paysages. De nombreux projets éducatifs sont mis en place pour expliquer le rôle de ces animaux, dans la lignée de ceux présentés sur les centres de soins pour animaux sauvages.

Ce retour du cheval comme acteur de l’écosystème est également une manière de renouer avec un patrimoine vivant. Il valorise des races locales parfois menacées et renforce le lien entre habitants et territoires. C’est une réponse à la fois écologique et culturelle aux enjeux actuels.

Perspectives pour l’avenir

Les scientifiques insistent sur la nécessité de poursuivre ces projets à plus grande échelle. L’objectif est de trouver un équilibre entre charge de pâturage, préservation de la biodiversité et efficacité en matière de réduction des risques incendie. Des outils de suivi écologique, tels que l’imagerie satellite, pourraient permettre d’ajuster les effectifs de chevaux en fonction de la densité de végétation. Dans un contexte où les épisodes de canicule et de sécheresse se multiplient, cette stratégie pourrait devenir un pilier de la résilience territoriale.

À terme, l’intégration des chevaux pourrait être complétée par d’autres initiatives, comme l’éducation du public à la prévention des feux, la sensibilisation aux dangers de l’abandon d’animaux et le renforcement de la réglementation sur l’entretien des parcelles privées.

Sources

  • European Forest Fire Information System (EFFIS), Rapport 2023 sur le risque incendie en Europe
  • Rigolot, E. et al., Pastoral management and fire prevention: lessons from Mediterranean landscapes, Revue Fourrages, 2022
  • Fernandez, M. et al., Grazing horses as a tool for fuel load reduction, Journal of Environmental Management, 2021

À propos de l'auteur :

Marine